Communiqué de presse "Furiosité" septembre 2015

« La magie a souvent été pensée comme l’art de faire devenir vrais les rêves : l’art de réaliser les visions. Mais avant de rendre réelle une vision, nous devons la voir. Nous devons avoir de nouvelles images à l’esprit, nous aventurer dans un paysage transformé, raconter de nouvelles histoires. » Starhawk.

 

Rêver l’obscur – Femmes, magie et politique (1982). Depuis l’Antiquité, les sorciers et les sorcières sont littéralement les « diseurs de sorts ». Parce que leurs cultes sont différents et génèrent la peur, leur histoire est frappée de violentes persécutions, de tortures et de chasses. En Occident, les sorciers et les sorcières sont exclus de la société. Pourtant, leurs rites et leurs imageries attestent de liens profonds avec la nature et la condition humaine. Ainsi, les végétaux ont des pouvoirs guérisseurs, les femmes sont des figures puissantes, les esprits ne sont pas uniquement malfaisants, les animaux sont des alliés protecteurs. Parmi les nombreux rituels pratiqués, la constitution d’un cercle magique apparaît comme un moyen intense de lutter contre une douleur, une peur, une injustice, un fantôme. L’exposition est ainsi conçue comme un cercle magique où sont convoqués quarante artistes autour d’un mot et d’un geste : la furiosité et graver. La gravure est envisagée dans une acceptation plurielle et multiforme. Elle permet la reproduction d’un dessin au moyen d’une technique où le corps, la matière et la maîtrise sont mis en jeu. Dans le métal, le bois, la pierre, la poussière ou les paillettes, les artistes tracent les figures et les mots qui incarnent la résistance et l’insolence. Ils tracent pour frapper les esprits, pour secouer la mémoire et l’histoire.

 

Pour combattre un mal, il faut le nommer et le voir. Émilie Hache (philosophe écoféministe) écrit :
« Nommer la peur, nommer ce qui rend chacun-e d’entre nous impuissant-e, puis nommer ce qui rend
puissant-e, est un acte de magie et un acte politique pour les uns-es, un acte (uniquement) politique
et féministe pour les autres Il reste que s’est inventé là un besoin partagé par toutes de faire prise sur
cette chape de plomb. » Pour une résurgence des consciences politiques en art, pour sortir des
normes, pour libérer les imaginaires, la furiosité est invoquée. Si d’un point de vue étymologique, la
furiosité traduit la rage, la démence, la violence, le délire, la passion, l’enfer, elle est aussi synonyme
de réaction, de lutte, de désobéissance, d’impertinence, de transgression et de résilience. Alors, le
cercle est un moyen de résistance à la fois personnel et collectif. Il autorise la transformation de soi et
du monde par le corps, l’image et le langage. Starhawk (sorcière écoféministe) parle de « créer une
vision […] pour changer la conscience et réveiller le pouvoir-du-dedans ». L’art peut agir dans ce
sens. L’exposition s’impose comme une réaction à un climat social et politique perturbé. Les artistes
empreints de furiosité s’inscrivent dans un mouvement de résistance : contre les dogmes, contre les
normes oppressives, contre les censures, contre la standardisation des discours et des formes. Le
cercle de furiosités agit, libère et transforme.

 


Julie Crenn